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La crucifixion dans l'art occidental

Jusqu’au Ve siècle, les chrétiens évitent de représenter le Christ sur la croix. Par la suite, celui-ci est figuré selon deux types iconographiques: le type hellénistique, qui représente Jésus sous les traits d’un jeune homme imberbe, athlétique et nu (avant qu’il ne soit vêtu d’un pagne), et le type syro-palestinien, où il apparaît barbu, majestueux, avec de longs cheveux. Ce second type s’impose en Orient dès le VIe siècle et évolue progressivement vers une représentation impériale et toute puissante: le “Christ Pantocrator” de l’iconographie byzantine.

Jusqu’au Xe siècle, on représente le crucifié vainqueur sur la mort. A partir de l’an mille, un nouveau type apparaît: le Christ est montré agonisant sur la croix pour le salut des êtres humains. Dès lors, les artistes mettent en avant la dégradation et l’épuisement de son corps souffrant.

En Italie, à partir du XIIIe siècle, le hiératisme du style byzantin disparaît petit à petit au profit d’un style qui tend davantage au réalisme et qui s’attache à rendre les émotions. Giotto est l’un des représentants de ce nouveau courant; il rompt avec une représentation figée des personnages et les anime par de subtiles expressions et des gestes souples.

Au XVe siècle, l’art flamand influence de nombreux artistes à travers l’Europe. Ses représentants s’intéressent en premier lieu à la vie quotidienne et aux paysages, dans lesquels ils insèrent parfois un épisode biblique, notamment la crucifixion.

L’Italie du début du XVe , en pleine Renaissance, est gagnée par l’humanisme. A cette époque, les artistes représentent le Christ sur la croix selon un idéal de beauté et d’harmonie inspiré de l’Antiquité. C’est au XVIe siècle, dans les œuvres de Michel-Ange que ce style atteint son apogée. Le corps du Christ, vigoureux et musclé, respecte alors les canons de beauté antiques.

Le XVIIe siècle voit naître l’art baroque. Art de la Contre-Réforme, il prend racine à Rome et rayonne ensuite sur l’ensemble de l’Europe catholique. Il conteste l’austérité protestante et entend véhiculer une image attrayante du catholicisme. C’est un art qui s’intéresse au mouvement, à la mise en scène, et qui s’adresse à la sensibilité du spectateur. Dans les crucifixions baroques, le Christ apparaît souvent entouré d’une lumière surnaturelle.

Avec le siècle des Lumières (XVIIIe siècle) qui érige la raison en vertu, l’art s’émancipe progressivement de l’inspiration chrétienne. Celui-ci devient un art de plaire, où se mêlent légèreté et sensualité. Dans les crucifixions de cette époque, le Christ est souvent représenté sans marque de souffrance, figé dans une beauté académique.

Au XIXe siècle, le courant romantique s’oppose au rationalisme prôné par les Lumières. Les artistes expriment leur angoisse et leur solitude face à une nature qui demeure mystérieuse malgré les progrès des sciences. Certaines crucifixions sont représentées proches de forêts denses ou encore s’élevant dans des cieux tourmentés.

A la fin de la période romantique et au début du XXe siècle, les représentations se teintent de touches symbolistes. Recherchant un langage formel nouveau, les artistes s’éloignent des iconographies traditionnelles de la crucifixion. Désormais, la personnalité de l’artiste et sa conception du sacré sont directement projetées dans l’œuvre. Les crucifixions atteignent alors une diversité stylistique jamais observée auparavant.

Collectif Enbiro
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